Comprendre la SCAD

(avec l’aide du Dr. Nabila Bouatia-Naji, Directrice de recherche à l’Inserm, chef de l’équipe génétique pour la compréhension de la physiopathologie des maladies artérielles.)

Les artères et les veines

Pour mieux comprendre la SCAD, voici un résumé de la fonction du cœur et des artères.

Grâce à la circulation du sang, les organes ont en permanence l’oxygène et les nutriments dont ils ont besoin pour fonctionner. Le sang circule toujours à l’intérieur des vaisseaux sanguins, sans jamais en sortir et toujours dans le même sens. Cette circulation est assurée par le cœur.

Les artères et les veines sont les grands vaisseaux de la circulation sanguine. Ils ont des rôles différents. Les artères amènent le sang du cœur vers les organes. Dans les organes les artères se divisent en un réseau très dense de très petites artères: les artérioles. Les veines font remonter le sang des organes vers le cœur.

On peut voir les artères comme des tuyaux musclés contrairement aux veines qui subissent moins de pression et sont plus fines. Les veines possèdent des valves qui fonctionnent comme des ‘clapets’ qui forcent le sang à aller dans le bon sens, vers le cœur.

La circulation du sang.
En rouge: sang riche en oxygène et nutriments, en bleu: sang riche en CO2 et des déchets
source: pixabay

Fonctionnement du cœur

Le cœur se contracte telle une pompe. C’est un muscle qui fonctionne de manière autonome. Il expulse le sang vers les artères. La pression (aussi appelée pression systolique) est très forte.

C’est pourquoi les parois des artères sont épaisses et élastiques. Ainsi, elles sont capables de s’étirer sans se rompre. Les artères, dont la plus grosse est l’aorte avec 2,5cm de diamètre, sont comme des arbres qui se divisent et se ré-divisent en des branches de plus en plus petites. Les artérioles, les artères les plus petites, font moins de 2 mm de diamètre.

Le fonctionnement du cœur en 3 phases:
1. au repos: le myocarde est décontracté: le sang entre dans les oreillettes
2. contraction des oreillettes: le sang passe dans les ventricules
3. contraction des ventricules: le sang est expulsé dans les artères
source: pixabay

La diastole et la systole

La diastole et la systole constituent le cycle cardiaque. Pendant la diastole, la phase de relaxation, le sang pénètre dans le cœur (1). La pression diastolique, correspond à la tension artérielle mesurée lors de la phase de relâchement du cœur.

La systole est la phase de contraction du cœur, lorsque le sang est pompé dans les vaisseaux sanguins (2 et 3).

Quand on mesure notre tension (ou pression artérielle), on mesure donc notre systole (noté: tension sys mmhg) et notre diastole (noté: tension dia mmhg).

Une pression artérielle normale d’une personne en bonne santé est une pression artérielle :

  • Pression artérielle systolique inférieure ou égale à 140 mmgh
  • Pression artérielle diastolique inférieure ou égale à 90 mmhg

Les crises cardiaques classiques (non-SCAD)

Parmi le grand public et le monde médical la distinction entre la SCAD et les crises cardiaques classiques n’est pas toujours connue. Un défi majeur dans le diagnostic de SCAD est d’amener les praticiens de santé à voir au-delà de la jeune personne apparemment en bonne santé, car elle n’a pas le profil classique de la victime de crise cardiaque.

On compte en moyenne 80 000 infarctus du myocarde par an en France. Pour bien distinguer la SCAD des crises cardiaques majoritaires (dites classiques ou athéromateuses), voici d’abord la description de ces crises ‘classiques’. Les personnes qui subissent les crises cardiaques classiques sont plutôt des personnes âgées (mais pas toujours) avec plusieurs facteurs de risque spécifiques. Ces risques sont par exemple le tabagisme, trop de cholestérol (hypercholestérolémie), le diabète, l’obésité, l’hypertension, la sédentarité et le stress.

Avec l’âge et sous l’influence de ces facteurs de risque, des plaques se forment le long de la paroi des artères. Ces plaques (aussi appelées athéromes) sont constituées notamment de cholestérol. Lorsqu’une de ces plaques rompt, un caillot sanguin se forme et part dans la circulation. Il peut bloquer une ou plusieurs artères à différents endroits de l’organisme (cœur, cerveau, membre inférieur…), ce qui réduit brutalement le débit sanguin voire l’interrompt totalement. C’est ce que l’on nomme l’ischémie. Si ce phénomène se prolonge, l’hypoxie (le manque d’oxygène) induite entraîne la mort des cellules dans les organes concernés.

La proportion entre femmes et hommes pour les crises cardiaques, dites ‘classiques’ est à peu près une femme pour quatre hommes (F:H = 1:4). Il y a donc une majorité d’hommes et de personnes âgées. En revanche, la proportion entre femmes et hommes pour la SCAD est de huit à neuf femmes pour un homme. (F:H = 8 à 9:1)

La SCAD, un type d’infarctus spécifique et atypique

SCAD signifie Dissection (déchirure) Spontanée de l’Artère Coronarienne en anglais.L’abréviation en français peut être donc DSAC. Nous préférons utiliser sur ce site la dénomination: SCAD.

La SCAD est liée à un problème avec les artères. Cela peut arriver dans une grande branche ou dans une plus petite.

La ‘lumen’ ou lumière est le ‘trou’ du tuyau, dans lequel le sang de l’artère est poussé.

image paroi artères à venir

La paroi de ces tuyaux se compose de trois couches. Dans la paroi, la couche du milieu (média) est épaisse et musclée. C’est un muscle lisse. Cela veut dire qu’il fonctionne tout seul, automatiquement, en dehors de notre volonté. Sous la contraction ou la dilatation de ces muscles, le lumen devient plus grand ou petit. Ainsi les artères cardiaques poussent le sang dans le cœur et puis du cœur vers le corps et les poumons par d’autres artères.

Cloque, déchirure, diminution ou obstruction de l’artère

Quand on a une SCAD, il y a un saignement entre la couche du milieu (média) et la couche intérieure (l’intima). Cette couche intérieure est surtout composée de collagène qui donne de la fermeté et de la souplesse aux artères.

Ce saignement forme une cloque, qui au fur et à mesure peut s’agrandir. Cette cloque, aussi appelée faux lumen (en comparaison du ‘trou’ de l’artère qui est le vrai lumen), peut se rompre. Cette cloque diminue déjà le flot sanguin dans le vrai lumen (il y a une concurrence entre le faux et le vrai lumen).

Ensuite, il peut y avoir une déchirure. Un caillot sanguin bloque l’artère ou diminue beaucoup le flot sanguin. Il y a donc comme pour la crise cardiaque classique, une ischémie cardiaque : une diminution de l’apport sanguin artériel dans le cœur.

Dégâts variables

Selon l’endroit du cœur qui est atteint, les conséquences peuvent être différentes.

Selon les données françaises (étude DISCO1) pour environ 2 tiers des SCAD, la plus grande branche de l’artère coronaire gauche (l’IVA, l’artère interventriculaire antérieure) est obstruée. Cette artère assure que le devant, les côtés et le septum (la cloison entre la partie gauche et droite) du cœur reçoivent du sang. Chez d’autres personnes une artère dans une autre partie du cœur peut être bloquée.

Si nous sommes atteintes dans une grande branche, les conséquences risquent d’être plus grandes que dans une petite branche. Une ischémie amène une diminution du sang. Si cela dure trop longtemps ou s’il y a une obstruction totale, les artères ou artérioles après l’obstruction risquent de mourir.

Dans le cœur les dommages à gauche, à droite, devant ou derrière ne font pas les mêmes dégâts.

Aussi des complications peuvent aggraver la situation. Ces complications ne sont pas toujours prévisibles ou évitables. Il se peut qu’une déchirure continue spontanément ou se prolonge par les manipulations qui sont nécessaires à la désobstruer par exemple.

Pas de stents sauf si nécessaire

Dans la pratique, les chirurgiens ont constaté que la pose des stents peut amener aussi à des complications. Car, si les artères des patients qui font une SCAD sont plutôt fragiles, mettre un ressort métallique risque de les abîmer. Un stent est un petit ressort. Le chirurgienl ‘introduit pour déboucher l’artère de l’intérieur. Il permet la recirculation du sang dans l’artère.

Le placement d’un stent
source: Video by F1 Digitals from Pixabay

Généralement, on a constaté que le cœur peut se remettre seul d’une SCAD. On parle en termes médicales d’un traitement conservateur. Cela prend généralement 3 à 4 semaines. Parfois, le guérison de la plaie prend plus de temps. Les chirurgiens mettent des stents seulement dans certaines situations.

STEMI et NSTEMI

L’électrocardiogramme (ECG)

L’électrocardiogramme (ECG) mesure les impulsions électriques du cœur. Un ECG traduit les impulsions du cœur sur un ordinateur ou sur un papier, du segment P au segment T du rythme cardiaque. S’il y a une anomalie, donc un écart dans le PQRST, on peut déterminer quelle partie ne conduit pas l’électricité ou quelle partie du cœur ne bouge pas du tout!

image ECG PQRST à venir

Test sanguin

Généralement, l’ECG est un moyen efficace pour déterminer s’il y a eu une crise cardiaque. Mais pour certaines femmes, cet ECG ne suffit parfois pas. Comme déjà dit, les artères sont comme des troncs d’arbres qui se ramifient en branches de plus en plus petites et fines. Contrairement aux hommes, les femmes ont souvent déjà des artères plus fines et de plus, elles ont des problèmes dans des plus petites artères et il se peut que l’ECG n’arrive pas à détecter alors une anomalie dans ces petites artères.

C’est pourquoi un test sanguin est généralement également effectué pour mesurer les niveaux de l’enzyme troponine, une protéine musculaire qui joue un rôle dans la contraction des muscles, y compris du muscle cardiaque et qui est libérée par le muscle cardiaque quand il manque d’oxygène. Les niveaux de la troponine augmentent généralement dans le sang quand le muscle cardiaque est endommagé par le manque d’oxygène. Un «seuil» pour les niveaux de troponine permet aujourd’hui le diagnostic de la crise cardiaque. Ce seuil est généralement plus bas chez les femmes que chez les hommes. D’autres substances chimiques peuvent même marquer une nécrose dans le cœur. Cela signifie qu’une partie du cœur n’a pas été irriguée par le sang pendant trop longtemps et cette partie a fini par mourir, comme une partie d’une plante qui n’a pas reçu assez d’eau.

Les dénominations NSTEMI et STEMI

NSTEMI et STEMI sont des dénominations pour deux types différents d’infarctus du myocarde.NSTEMI : Lorsqu’il n’y a qu’une partie de l’artère du cœur qui est bloquée par un caillot (ou par le tissu de la paroi intérieure déchiré), l’ECG enregistre une onde Q élevée tandis que le segment ST est fortement enfoncé. On l’appelle alors NSTEMI. Cela signifie en anglais «infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST».

STEMI : Si l’artère est totalement bouchée, la situation est plus grave. Le bout de l’artère qui se trouve derrière ce blocage, se trouve en hypoxie totale (pas d’oxygène du tout !) et cette partie du cœur meurt. C’est donc une situation dangereuse et plus invalidante. Contrairement au NSTEMI, STEMI a un segment ST élevé. Le STEMI ne peut pas être soulagé par la nitroglycérine. (La nitroglycérine ne sert pas seulement à fabriquer la dynamite. Elle soulage l’angine de poitrine et les attaques cardiaques depuis plus d’un siècle.)

Récupération

Comme déjà dit: le cœur des femmes réagit parfois autrement que celui des hommes. Souvent elles ont besoin de dosages plus légers.

Surtout les premières semaines, voire les premiers mois, il est très difficile pour nous de faire la différence entre l’effet de nos médicaments et le contrecoup ou les séquelles de notre crise cardiaque.

L’épuisement et la fatigue sont des conséquences normales dans un premier temps. Les vertiges nécessitent par contre une consultation. Une aggravation dans notre état de fatigue également.

La réadaptation cardiaque m’a fait énormément de bien. Mais ensuite, après avoir un événement dans ma vie qui m’a épuisé, je n’arrivais pas à remonter la pente. Je ne savais pas si ceci était la conséquence des séquelles sur le cœur ou un effet secondaire de mes médicaments. Une amie-médecin se demandait si je n’avais pas peut-être une dépression cachée. Mais il y avait plein de moments où j’étais tellement heureuse d’être en vie encore.

J’ai consulté mon généraliste. J’aurais dû le faire bien avant car j’ai attendu plusieurs semaines. Les bilans sanguins ont montré que j’avais un manque de vitamine B12. Mon cardiologue a aussi adapté mon traitement. Je vais beaucoup mieux.

B.P. patiente

Douleurs de poitrine

Surtout la première année, nous pouvons sentir des points de douleur côté cœur. Selon le document de synthèse de la Société Européenne de Cardiologie, 60 à 90% des patients atteints de SCAD éprouvent des douleurs thoraciques récurrentes après leur SCAD.

Cela peut nous amener à penser à la crise cardiaque et nous pouvons avoir peur qu’il nous arrive encore une crise. Beaucoup d’entre nous connaissent bien cela et c’est une crainte logique après un tel événement. Surtout qu’un risque de récidive existe (10%).

Déclencheurs

Les déclencheurs courants de ces douleurs peuvent être la déshydratation, la fatigue, faire trop de choses trop tôt, faire une nouvelle forme de travail physique pour la première fois après notre SCAD – par exemple passer l’aspirateur, passer du temps à laver, faire des courses lourdes, etc.

Cette douleur survient parfois à des moments prévisibles du cycle menstruel et peut-être liée à un dysfonctionnement endothélial et microvasculaire. Cette douleur peut être sensible aux nitrates à action prolongée ou aux inhibiteurs calciques. C’est donc à voir avec votre cardiologue.

Le cœur a besoin de se remettre ainsi que les tissus autour. Souvent, ce sont des douleurs intercostales (des douleurs entre les côtes). Pour faire le tri dans toutes ces nouvelles douleurs et sensations, il y a une astuce : si vous êtes capable de pointer précisément l’endroit douloureux avec le doigt, ce sont très certainement des douleurs musculaires ou intercostales. Les douleurs cardiaques sont plus diffuses. On a alors tendance à montrer où on a mal en posant la paume de la main.

Les douleurs de poitrine diminuent avec le temps

En général, les douleurs de poitrine s’estompent avec le temps: un à deux ans.

La crainte était toujours là ! A toujours craindre que ça puisse recommencer ! Avec le temps je ne l’ai heureusement plus. 

A.D., patiente

Au début j’avais très peur puis j’ai compris qu’elles étaient très liées au stress et à mon cycle hormonal. Elles ont diminué au bout de 2 mois.

P.V., patiente

Mes douleurs se sont estompées au bout d’un an jusqu’à disparaître récemment.

C.F., patiente

Les angoisses ont disparu. Les douleurs aussi la plupart du temps sauf avant les règles.

J.J., patiente

En cas de doute, appelez!

En cas de grande douleur et de vrai doute, il faut consulter votre médecin ou appeler le « 15 » pour avoir un avis médical. Compte tenu du risque de récidive (environ 10%), il est recommandé de toujours effectuer un ECG et de vérifier le taux de troponine.

Regardez aussi nos pages sur les bienfaits de la relaxation. Il faut garder ces bonnes habitudes par la suite. Cherchez les thérapies qui vous conviennent pour vous relaxer, pour débloquer les tensions et reprendre possession de votre corps, pour mieux l’écouter et moins le subir.

Il faut avoir de la patience. Accepte tes angoisses et sois bienveillante pour toi-même. 

O.K., patiente

Attention pour les pratiquants de massages à ne pas y aller trop fort quand notre condition n’est pas encore stabilisée. Les kinés sont formés évidemment à cela et peuvent aussi donner des exercices de relaxation.

Comme avec tout intervenant dans notre rétablissement (psy, kiné, doc., etc): il faut que le courant passe et qu’il y ait une vraie attention pour le patient.