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Le 20 mars 2025, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Dr Nicolas Combaret et le Pr Pascal Motreff, deux médecins-chercheurs spécialisés en cardiologie, au sein de l’unité de soins intensifs du CHU de Clermont-Ferrand. Cette visite m’a plongée au cœur de la SCAD en France. Car ces deux experts comptent parmi les spécialistes majeurs de la dissection coronaire spontanée.
Première expérience avec la SCAD
Le Pr Motreff se souvient de sa première patiente atteinte de SCAD qu’il a prise en charge il y a 22 ans. Elle avait alors 31 ans et venait d’accoucher. Aujourd’hui, à 53 ans elle se porte bien.
De son côté, le Dr Combaret a été confronté à son premier cas pendant son internat, justement dans le service du Pr Motreff. Il se souvient d’une patiente souffrant d’une forme complexe de la SCAD. Ils ont traité cette patiente par la pose d’un stent, avec un guidage en imagerie endocoronaire (OCT). Ce cas a d’ailleurs donné lieu à une publication scientifique en 2013.
Depuis, les deux médecins suivent un grand nombre de patient-es concerné-es par la SCAD. Certains viennent de la région, d’autres de bien plus loin. Souvent il s’agît d’obtenir un second avis après un premier diagnostic ou une proposition de traitement.
Le registre Disco
En plus de leur activité clinique, le Pr Motreff et le Dr Combaret mènent aussi des recherches. Leur volonté de mieux comprendre cette pathologie les a conduits à la création du registre DISCO (DIssections, Spontanées COronaires), en collaboration avec d’autres chercheurs. Ce registre français regroupe les données de 373 patient·es ayant subi une SCAD entre juin 2016 et août 2018. C’est le plus grand groupe de patients étudié en Europe à ce jour. 90 % des personnes incluses étaient des femmes. Les diagnostics étaient confirmés par angiographie, et, si nécessaire, complétés par des examens plus poussés.
Sensibilisation des cardiologues en France
Grâce à ce travail, les Drs Motreff et Combaret ont pu sensibiliser la communauté cardiologique à la SCAD. 51 centres ont participé au registre DISCO, ce qui montre l’intérêt croissant pour cette pathologie encore trop peu connue.
Il est crucial de bien reconnaître une SCAD, notamment lors d’une coronarographie, car la prise en charge diffère de celle des infarctus classiques causés par l’athérosclérose. Souvent, ce sont des patientes jeunes, sans facteurs de risque évidents, qui se présentent avec des douleurs thoraciques. Ce profil atypique doit alerter les cardiologues. Il existe désormais un protocole précis pour identifier une SCAD à l’imagerie. Les deux médecins s’efforcent de diffuser ces connaissances lors de conférences et congrès médicaux.
Ce qui surprend souvent, c’est que le traitement de la SCAD va à l’encontre des réflexes habituels. Alors qu’on intervient rapidement avec des stents ou des pontages dans les cas classiques, la plupart des SCAD se soignent mieux… sans intervention. Ces gestes sont en effet plus risqués. On les envisage que si aucune autre option n’est possible. Ce choix thérapeutique peut sembler déroutant, mais il est souvent plus sûr.
La bonne nouvelle, c’est que toutes les personnes incluses dans cette étude ont survécu à leur SCAD.
Disco est toujours une source d’information pour les chercheurs en SCAD
Le registre DISCO reste aujourd’hui une ressource précieuse pour la recherche. Il continue de fournir des données essentielles, utilisées non seulement par les chercheurs français, mais aussi à l’international, pour mieux comprendre la SCAD. Même si, en tant que patient·es, il est parfois difficile de percevoir les avancées scientifiques au quotidien, la recherche progresse à grands pas, notamment grâce aux évolutions techniques et technologiques.
Un exemple très parlant
Il existe actuellement deux principales hypothèses sur la façon dont la SCAD provoque un infarctus. La première évoque un hématome qui se forme dans la paroi de l’artère et décolle la couche intérieure, créant une sorte de cloque remplie de sang. Cette “ampoule” vient alors gêner, voire bloquer, la circulation normale dans l’artère coronaire. La seconde hypothèse parle plutôt d’une déchirure de la couche interne de la paroi artérielle. Mais elle entraîne le même effet : une obstruction du flux sanguin.
Grâce à une technologie de plus en plus utilisée – l’angiographie par tomographie en cohérence optique (OCT – Optical Cohérence Tomography) les chercheurs parviennent à mieux visualiser ce qui se passe dans les artères. Et les résultats sont parlants : dans environ 80 % des cas, c’est bien la formation d’une cloque (et non une déchirure) qui serait à l’origine de la SCAD. Cette découverte amène certains experts à remettre en question le terme même de « dissection coronaire spontanée », qui ne reflète pas toujours la réalité du mécanisme en jeu.
Des nouveaux traitements pour une meilleure survie
En parallèle, les Drs Motreff et Combaret ont mis au point une nouvelle technique très avancée pour intervenir, dans de rares cas, sur des formes particulièrement graves de la SCAD. Cette méthode, utilisée avec prudence lors de certaines coronarographies, pourrait améliorer la prise en charge des cas les plus critiques. Ils s’apprêtent à publier un article scientifique pour partager leurs résultats avec la communauté médicale.
Connaître et Reconnaître
Ce qui m’a particulièrement touchée lors de cette rencontre, c’est l’enthousiasme sincère et la détermination de ces deux cardiologues. Ils exercent leur métier avec passion, et se battent au quotidien pour faire avancer la reconnaissance de la SCAD. Pour nous, patient-es, il est essentiel que les connaissances progressent et que cette pathologie soit mieux comprise, mieux diagnostiquée, mieux traitée. Nous avons aussi échangé sur les moyens de renforcer cette reconnaissance via notre site : je vous en parlerai plus dans un prochain article. Un grand merci pour leur soutien !