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Étude française importante sur les crises cardiaques chez les femmes de moins de 50 ans

Qui sont les jeunes femmes de moins de 50 ans qui ont un infarctus aigu du myocarde ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Qu’est-ce qui les distingue d’autres femmes par exemple dans leur histoire médicale, leur comportement ?

Le 25 septembre dernier, une étude importante a été publiée dans la prestigieux revue JAHA de l’association américaine du cœur sur ces sujets. Cette étude s’intitule WAMIF : Women presenting Acute Myocardial Infarction in France (les femmes présentant des infarctus du cœur en France). WAMIF est la première étude analysant les caractéristiques spécifiques liées aux femmes dans l’infarctus cardiaque.

La Dr Stéphane Manzo Silberman (Sorbonne Université, Institut de Cardiologie—Hôpital Pitié‐Salpêtrière) a dirigé cette étude avec de nombreux collègues. Le Pr. Pascal Motreff, connu pour ses études sur la SCAD, a également collaboré à cette étude.

Inquiétant : De plus en plus de jeunes femmes ont une crise cardiaque

Le pourcentage de femmes de moins de 50 ans hospitalisées pour un infarctus du myocarde est en augmentation. C’est pourquoi cette étude est importante.

15% des femmes dans cette étude souffraient d’une SCAD, également appelée une dissection coronaire spontanée. Cela représente donc presque une femme sur six !

Cette étude concerne :

  • 314 femmes de moins de cinquante ans
  • admises pour un infarctus du cœur
  • dans 30 centres en France
  • mai 2017-juin 2019

Les équipes de recherche ont analysé les données médicales et les réponses de ces femmes non seulement après leur infarctus, mais aussi un an plus tard.

Le pronostic global de ces femmes dans cette recherche était meilleur que celui rapporté dans des recherches précédentes. Personne n’est décédée pendant son hospitalisation. Dans l’année qui a suivi l’événement, quelques personnes sont décédées sans que cela soit lié à une maladie cardiovasculaire. L’une des raisons est que cette étude a été menée dans de grands centres très sensibilisés et mobilisés sur les spécificités de la prise en charge de la maladie coronarienne chez les femmes.

Mais la Dr Manzo-Silberman et ses collègues ont aussi noté qu’un certain nombre de femmes se rendaient aux urgences, en pensant faire une crise cardiaque, ce qui n’était heureusement pas le cas. [NdlR : Dans nos groupes de soutien pour la SCAD, c’est un sujet récurrent : il est parfois difficile de savoir si nos douleurs thoraciques sont « juste » un signe de stress ou des symptômes graves. Nous ne sommes pas des cardiologues et ne reconnaissons plus notre cœur, ni notre corps].

Tabagisme, sédentarité, précarité : quelques conclusions importantes

  • Chez les jeunes femmes, qui étaient inclues dans cette étude, le facteur de risque le plus fréquent était le tabagisme. Trois femmes sur quatre fumaient dans la période qui précédait leur crise cardiaque.
  • Deux femmes sur cinq étaient sédentaires.
  • Plus de la moitié des participants ont signalé un stress émotionnel récent.
  • Près de la moitié des personnes (environ 46%) vivaient dans une situation précaire. Cette inclusion est très intéressante. Cela veut dire que la condition sociale sous laquelle nous vivons, peut avoir une influence sur notre santé.
  • 14% des patientes n’avaient aucun risque cardiovasculaire identifié. Cela veut dire qu’elles étaient par exemple sportives, elles ne fumaient pas, etc. [NdlR :Souvent, les personnes qui viennent à nos groupes de soutien ne comprennent pas pourquoi elles ont eu une crise cardiaque. Elles sont choquées de découvrir que cela leur arrive, alors qu’elles ne présentent pas de risques « classiques » pour l’infarctus. Elles pensaient être en bonne santé.]

Grossesses difficiles, contraceptifs malgré les risques

Environ un tiers des femmes (31,2%) avec un infarctus du cœur, avaient eu auparavant une ou plusieurs grossesses compliquées.

Parmi les patientes prenant des contraceptifs contenant des œstrogènes, 86,0 % des femmes dans cette étude présentaient au moins une contre-indication. Alors, elles prenaient ces moyens de contraception malgré, par exemple, leur âge ou leur tabagisme.

Les femmes ont besoin d’un meilleur suivi cardiologique et gynécologique. Par exemple les femmes qui ont eu des grossesses difficiles doivent être suivies pour leur santé cardiaque. Et lors du choix de contraception, le gynécologue ou sage-femme devrait également faire attention aux risques cardiaques.

Pourquoi cette recherche mérite toute l’attention des décideur.e.s politiques

Cette étude, axée sur les jeunes femmes atteintes d’infarctus du myocarde (crise cardiaque), met en évidence l’effet des facteurs de risque spécifiques au sexe. Elle contribue donc à une meilleure connaissance de la santé cardiovasculaire des femmes.

Il est intéressant de noter que dans cette recherche, plus de 10 % des participantes ont déclaré que leurs symptômes ont duré plus d’une semaine. Cela signifie qu’elles [ou leur entourage] n’ont pas reconnu la gravité de leurs symptômes. Alors elles n’ont pas consulté un médecin.

Contrairement à il y a une dizaine d’années, la plupart des cardiologues savent aujourd’hui que les femmes peuvent avoir des maladies cardiovasculaires. Malheureusement, le public et d’autres professionnels de la santé n’en sont pas encore suffisamment conscients : ils sous-estiment encore ces risques cardiovasculaires. C’est encore plus vrai pour les risques chez les femmes plus jeunes.

Le manque de connaissances sur le corps des femmes reste important dans le secteur de la santé. Cela ne concerne pas que des problèmes autour de la menstruation ou la ménopause, mais aussi les maladies cardio-vasculaires. Pendant longtemps on a axé les soins de santé sur le corps masculin. En conséquence, les femmes ne reçoivent pas toujours les soins dont elles ont besoin ou avec un retard. Les symptômes d’une crise cardiaque sont moins rapidement reconnus chez les femmes, notamment les jeunes femmes ou les femmes qui ont l’air d’être en bonne santé (sportives, sans surpoids). Cela peut alors avoir des conséquences sur le diagnostic et les traitements adéquats.

Ce qui serait bien selon SCADinfo :

  • plus ++ d’argent pour des recherches telles que la recherche WAMIF
  • que cette recherche WAMIF se prolonge afin que les chercheurs puissent regarder comment vont ces femmes 5 ou 10 ans plus tard
  • plus ++ d’attention pour la SCAD : on en parle pas assez dans les médias
  • plus ++ d’argent pour des recherches sur la SCAD, une maladie sous-diagnostiquée
  • qu’il y ait une stratégie nationale pour la santé des femmes dont fait partie la santé cardiovasculaire des femmes

Lire l’article WAMIF au Journal Américain de l’Association du Coeur (JAHA)

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