Le vécu de Blandine

Mon parcours : transformer les épreuves en force

Je ne suis pas du genre à étaler ma vie, mais ce témoignage me tient à cœur. Il n’a pas pour but d’attirer la compassion, mais de lancer un cri d’alerte : informer pour sauver des vies. Si mon expérience peut sensibiliser d’autres personnes et leur éviter une issue tragique, alors elle aura eu du sens.

À 40 ans, j’avais une vie bien remplie : un compagnon, deux garçons de 7 et 13 ans, une maison à la campagne, un bon poste d’infirmière, et un mode de vie plutôt sain. Pas de tabac, pas d’alcool, une alimentation équilibrée, aucun traitement hormonal… bref, aucun facteur de risque évident, hormis le stress et le manque d’activité physique. Jamais je n’aurais imaginé vivre une telle épreuve.

Le 7 mars 2020 à 17h30, tout a basculé. Une douleur brutale est apparue dans ma mâchoire, mon dos et ma poitrine, comme des crispations intenses. Burnout oblige, j’ai tout de suite pensé à une crise d’angoisse, peut-être de la spasmophilie. La douleur s’intensifiait, mais je l’ai attribuée à mon état émotionnel fragile. Après avoir pris un antalgique et mon traitement pour l’asthme, après avoir énormément pleuré, la douleur a diminué. La douleur et l’angoisse ont continué a revenir par vague toute la soirée, jusqu’à me réveiller la nuit, mais je n’ai jamais envisagé une crise cardiaque. Moi, infirmière, sachant que les symptômes sont souvent atypiques chez la femme, je n’ai rien vu venir. Pas à mon âge, pas sans facteurs de risques.

Le lundi 9 mars, les douleurs persistent. Je consulte ma généraliste, qui me fait un électrocardiogramme. Le tracé semble normal, mais elle préfère vérifier par une prise de sang. Je rentre chez moi, sans inquiétude. Jusqu’à ce qu’elle m’appelle dans l’après-midi : « Vous êtes probablement en train de faire un infarctus. Restez allongée, les secours arrivent. »

À cet instant, tout s’écroule. Comment est-ce possible ? Je n’ai pas mal, je me sens presque bien, et pourtant je suis en danger. Les pompiers et le SAMU arrivent, sceptiques eux aussi, mais le bilan sanguin est alarmant. On m’emmène aux urgences. Après plusieurs heures d’attente, une échographie cardiaque révèle une anomalie : la pointe de mon cœur ne bat plus normalement. On soupçonne une dissection coronarienne. Je suis transférée en soins intensifs de cardiologie. Là-bas, l’interne refait le bilan sanguin mais décide d’attendre le lendemain pour que le cardiologue décide enfin de me faire une coronarographie. Le diagnostic tombe : une dissection coronaire spontanée (SCAD).

De l’épreuve à la renaissance

Cet épisode marquant s’est déroulé dans un contexte de burnout, après des mois à ignorer les signaux de mon corps. J’étais infirmière dans un service médico-social lourd, et malgré l’insistance de ma généraliste pour que je me mette en arrêt, je refusais par peur d’abandonner mes patients. Mon corps a fini par céder.

Le confinement a rendu ma convalescence encore plus difficile. Des examens urgents ont été annulés, je n’ai pas eu de rééducation, et les séquelles ont été longues à surmonter. Trois ans d’arrêt maladie, un licenciement pour inaptitude, et une reconnaissance d’invalidité catégorie 1 plus tard, j’ai dû accepter que je ne pourrais plus jamais exercer comme avant. De tout cela il me reste une fatigue chronique, des douleurs, des troubles du sommeil, parfois des angoisses et le sentiment qu’une épée de Damoclès trône au dessus de ma tête.

Pour autant, ces épreuves ont marqué le début d’un nouveau chapitre. Grâce à un bilan de compétences financé par la CPAM, j’ai trouvé ma voie : créer ma micro-entreprise et vivre de ma passion. Aujourd’hui, je suis créatrice de bijoux, et je me sens plus épanouie que jamais. Cette liberté de m’organiser à mon rythme, d’être présente pour mes enfants, et de faire un métier que j’aime profondément m’a permis de reconstruire ma vie.

Si je n’avais pas traversé ces difficultés, je serais probablement restée dans un métier qui m’épuisait. Je n’aurais jamais osé me lancer, ni trouvé l’équilibre dont je jouis aujourd’hui. J’ai transformé ces épreuves en une nouvelle chance, et je partage mon histoire pour rappeler l’importance d’écouter son corps et de ne pas sous-estimer les signaux qu’il envoie. Cela peut sauver des vies.