Cet entretien a été réalisé pendant la période Covid en 2020 avec l’aide d’A. Hutten Mariette avait 54 ans lors de sa SCAD. Le lendemain, elle va avoir 55 ans !
Je me voyais comme une personne énergique et forte, même si j’étais super fatiguée de temps en temps.
Comment est-il devenu clair que vous aviez un problème cardiaque?
La crise cardiaque s’est produite soudainement. Je siège au conseil d’administration d’une association. Ce soir-là, la réunion était chez moi. L’atmosphère était détendue. Mais à deux heures et demie du matin, alors que tout le monde était déjà parti et que j’étais déjà endormie, je me suis réveillée en ayant l’impression d’avoir avalé des morceaux de fer, qui ont migré de mon estomac vers mes poumons. Toute ma poitrine me faisait mal. Je parlais bizarrement et au ralenti. J’ai immédiatement senti que quelque chose n’allait pas. J’ai demandé à mon mari d’appeler le numéro d’urgence 112. Cinq minutes après avoir raccroché, j’ai ressenti une douleur dans mon bras gauche. Sachant que les femmes peuvent avoir une crise cardiaque, je lui ai demandé de rappeler. L’ambulance était déjà en route.
Rétrospectivement, j’étais très fatiguée au cours des semaines et des mois précédents.
Je n’arrivais pas toujours à bien trouver mes mots (le français est ma deuxième langue, mais je le parle couramment) et je trouvais que j’étais très peu concentrée. Je pensais que c’était peut-être la péri-ménopause, la perte de ma mère (décédée quelques mois plus tôt), les tensions autour de l’héritage, les tensions par rapport à ma fille (Son école était extrêmement exigeante pour elle. J’ai eu beaucoup de mal à accepter cela pour diverses raisons). En fait, j’avais l’impression de porter une sorte de sac à dos rempli de cailloux. Nous avons tous des moments difficiles dans nos vies, qui passent généralement. J’avais déjà vécu ça auparavant.
J’ai toujours été très sportive. La veille et les jours précédents, j’avais également pratiqué du sport, mais à mon niveau normal. Pas d’efforts extraordinaires pour mon âge.
J’ai remarqué que je m’endormais souvent après l’exercice ou que je m’endormais à huit heures du soir.
Mais que cela puisse avoir un rapport avec mon cœur… Je n’avais pas fait ce lien. Il y avait eu des moments comme ça auparavant. Mon médecin-généraliste n’avait pas non plus d’explications lorsque je lui ai posé la question. Donc, je faisais de temps en temps une cure de comprimés de fer ou de magnésium dans l’espoir que les choses iraient mieux après.
Je suis allée deux fois chez une cardiologue à cause d’un léger bruit dans mon cœur. Rien de spécial. Puis aussi chez l’ORL pour l’asthme. Mais en dehors d’un léger serrement occasionnel dans mes poumons (ou était-ce mon cœur?), je n’avais aucune plainte, jamais de crise d’asthme. Et cette fatigue alors? Je n’en savais rien. Au fond de mon cœur, je n’avais pas envie de prendre des médicaments et je ne suis pas quelqu’un qui se plaint rapidement. Je souffre également de migraines qui durent souvent 2 à 3 jours.
Je suis, ou plutôt dis, j’étais (car là-dessus j’ai clairement changé) quelqu’un qui était plutôt hyperactive. Ne rien faire n’était pas mon truc. J’ai beaucoup d’intérêts et d’activités. Je me voyais comme une personne énergique et forte, même si j’étais super fatiguée de temps en temps.
Quel (s) traitement (s) avez-vous suivi par la suite?
La prise en charge était rapide. J’ai eu la chance de vivre à côté d’un hôpital de grande qualité selon les statistiques nationales.
Lorsque le chirurgien et son équipe ont gonflé le petit ballon afin de placer un stent, cela a collé la paroi artérielle où la déchirure était localisée. J’étais à l’hôpital pendant 5 jours. J’ai reçu une faible dose d’aspirine, de bêtabloquant et de statine. Et très peu d’explications. On m’a dit que c’était une déchirure de la paroi artérielle, mais que c’était une SCAD, je ne l’ai compris que plus tard. Une amie médecin m’a mise au courant et j’ai demandé confirmation à l’hôpital.
Pensez-vous que votre problème a été pris au sérieux?
J’ai été rapidement prise au sérieux par les ambulanciers et les pompiers, qui travaillent main dans la main en France pour les urgences. La femme-médecin de l’ambulance était, je crois, tellement surprise que j’aie reconnu mes symptômes d’une crise cardiaque qu’elle m’a demandé si j’avais une profession médicale. « Non », dis-je, « mais je connais une femme de mon entourage qui en a eu une! »
Heureusement, une équipe chirurgicale était immédiatement disponible à l’hôpital et je ne séjournais pas dans les montagnes. L’intervention était donc très rapide et les dégâts sont limités, même si j’ai, paraît-il, une sténose. Donc, une petite artère dans la partie droite de mon cœur a été affectée par la SCAD. Un interne (cardiologue en formation) est venu me demander si je voulais une rééducation. Il a dit: « Vous êtes le patient idéal. » Après quelques doutes, cela m’a semblé une bonne idée. J’en ai beaucoup profité et je peux la recommander à tout le monde.
Comment s’est passée la réadaptation cardiaque?
Bien, je la conseille à tout le monde.
Pour les cardiologues, je suis un cas « simple »: crise cardiaque, résolue rapidement et facilement, sans complications. Pour moi, en tant que patiente, cela a ressemblé à un tremblement de terre dans mon propre corps. Je pensais que j’étais en parfaite santé!
Je suis arrivée très malade à l’hôpital, en danger de mort, en grande urgence (les infirmières ont poussé mon lit vers la salle d’opération en courant), pour quitter 5 jours plus tard l’hôpital complètement épuisée, marchant comme une grabataire.
La rééducation m’a redonné ma confiance en moi-même et la confiance en mon corps. J’ai également trouvé du soutien auprès des autres patients.
En tant que personne sportive, il était également très important pour moi de recommencer à faire de l’exercice. J’étais étonnée de pouvoir faire encore beaucoup de choses après trois semaines, car juste après ma crise j’étais essoufflée au moindre effort. J’ai immédiatement fait 11 km à vélo le premier jour et 15 km le deuxième jour. Il y avait donc encore du ‘piment’ en moi. Cependant, tout était axé sur les facteurs d’infarctus du myocarde classiques et il y avait très peu de femmes.
Ce que je trouve choquant, c’est qu’ici en France (Souvent c’est pareil ailleurs) très peu de personnes, mais encore moins de femmes que d’hommes, participent à la rééducation. Je l’ai vu dans la pratique, mais je l’ai également lu plus tard. Je suis intriguée par cela. J’avais été formée comme psychologue de la santé. Au sein de cette spécialisation, la prévention secondaire fait partie des sujets: Si vous êtes atteint d’une maladie grave, que devez-vous faire pour ne pas retomber malade ou du moins, moins rapidement.
Pourquoi pensez-vous, qu’ il y ait si peu de femmes en rééducation?
J’ai posé la question à plusieurs personnes, mais cela continue de m’intriguer.
Est-ce que ce sont les femmes elles-mêmes? Par exemple, pensent-elles d’abord à tout le monde dans leur entourage avant de penser à elles-mêmes: les enfants, leur mari, leurs parents, etc.?
Est-ce que c’est l’offre proposée? Par exemple, les types de sport s’adressent-ils davantage aux hommes? Soulever des haltères au lieu de danser, par exemple?
Y a-t-il une attention particulière pour les femmes et leurs problèmes spécifiques? Par exemple, pour le fait qu’elles doivent souvent jongler entre le ménage, les enfants, le travail, les soins aux parents âgés, etc. pour lesquels elles ne savent pas comment obtenir de l’aide si elles participent à la réadaptation?
Est-ce que leur médecin, leur cardiologue ou leur généraliste informent les femmes sur la possibilité de participer à la rééducation (et ses effets positifs)?
Et qu’en pensent leur partenaire et leurs enfants? La soutiennent-ils?
Dans quelle mesure votre problème cardiaque a-t-il changé votre vie?
Comme on dit si joliment en anglais, j’ai trouvé ma « nouvelle normalité » (new normal, mon équilibre)!
Mais j’ai eu du mal au début. Surtout la première année. Cela ne concernait pas seulement mon cœur, mais aussi d’autres plaintes physiques, dont certaines s’étaient probablement aggravées à cause de mes problèmes cardiaques et du stress. Par exemple, j’avais de graves problèmes de dos, régulièrement des migraines, mes règles m’épuisaient et le généraliste a constaté une carence importante en vitamine B12.
De plus, il y avait encore des tensions et des inquiétudes: la vie continue et on ne peut pas simplement effacer ce genre de circonstances. Par conséquent, après ma rééducation, j’ai reculé au lieu de progresser. J’ai eu une mauvaise expérience avec les urgences: un pompier ne m’a pas pris au sérieux. Je ne savais plus à quelle porte frapper. Pas assez mal pour les urgences, mais je me traînais. Pourtant, il y a eu de nombreuses fois où j’étais tellement heureuse d’être encore de ce monde que j’ai pensé: C’est surtout physique, ce n’est pas une dépression!
J’ai réussi à m’informer
J’ai été très heureuse quand j’ai trouvé un groupe Facebook après six mois! Par l’intermédiaire de Mme Maas, une cardiologue aux Pays Bas, qui s’investit pour les femmes ayant une SCAD, j’ai écrit à un cardiologue français au sujet de mes symptômes. Il m’a rassuré. Les distances ici en France sont telles que je n’ai pas pris le train pour aller le voir. Franchement, je ne le croyais qu’à moitié, mais cela m’a peut-être donné un coup de pouce. En tout cas, je me suis sentie clairement beaucoup mieux après un an. Maintenant, après deux ans, je me sens encore mieux, mais parfois j’ai encore une baisse significative de mon énergie. Je trouve également que je suis plus sensible au stress qu’auparavant. Mais je ne peux pas toujours éviter les facteurs de stress dans ma vie.
J’ai toujours continué à faire de l’exercice.
Mais j’ai eu du mal à savoir gérer exactement ce que je pouvais de nouveau faire. J’ai dû le découvrir par moi-même en tâtonnant entre essais et erreurs. Maintenant, j’essaie de marcher pendant une heure (presque) tous les jours pendant cette période de Covid. Auparavant, je me rendais également à une salle de sport dans mon quartier pour faire des exercices une ou deux fois par semaine, comparable à ce que je faisais au centre de rééducation. Presque tous les jours, je fais aussi des exercices de dos et de l’abdomen pour mes problèmes de dos. Je tiens compte également de mon repos quand je suis fatiguée. Tout cela nécessite un certain temps et de la discipline. J’ai la chance que mon environnement m’accepte ainsi et que je puisse ajuster mes activités en conséquence.