par : Gaëlle Martin et Mariette Sobels
Le 5 juin dernier a eu lieu un webinaire avec des explications par des spécialistes en SCAD (ou dissection coronaire spontanée) pour les patients souffrant de cette maladie et pour toute personne intéressée. Les explications étaient données par les chercheurs qui siègeront au Comité Médical et Scientifique de notre future association des patient.e.s : « SCADinfo ».
Les spécialistes en SCAD
- Pr Nabila Bouatia-Naji : chercheure en génétique à l’Inserm. Elle travaille en particulier sur la SCAD et sur la DFM, une maladie distincte dont souffre aussi environ la moitié des patients qui ont eu une SCAD.
- Dr Stéphane Manzo-Silberman : cardiologue et praticienne-chercheure *, spécialiste en SCAD et des pathologies cardiaques de la femme en général
- Dr Nicolas Combaret : cardiologue et praticien-chercheur*, spécialiste en SCAD
* Dans les domaines médicaux, un.e praticien.ne est la personne qui soigne les patients. Elle travaille généralement dans un centre hospitalier ou dans des établissements publics.
La SCAD : les études sont récentes
La SCAD a déjà été décrite dans les années 1930 sur une personne décédée. Mais les études sur la SCAD sont récentes. Les premiers cas vraiment reconnus datent des années 2008/2010. Par conséquence, on a relativement peu de recul. Il y a eu la reconnaissance que les femmes sont sujettes au crises cardiaques et aussi les progrès technologiques. Maintenant on peut bien dépister cette forme de crise cardiaque par une coronarographie. Les victimes de la SCAD qui subissent une coronarographie, sont systématiquement enregistré (registre DISCO, registre Européen).
L’étude DISCO a été initiée en France par Professeur Motreff. Nos spécialistes, Pr. Bouatia, Dr. Manzo-Silberman et Dr. Combaret, ont été en collaboration étroite avec lui. L’étude porte sur 373 cas (basée sur des données 2016-2018). Dans cette étude, 91% des victimes de la SCAD sont des femmes. Cette étude a confirmé les études nord-américaines (Vancouver) de Pr. J. Saw, qui dispose également d’un grand registre de patients.
La SCAD touche des femmes âgées en moyenne de 51 ans, sans facteurs de risques. Bien sûr les études longitudinales (études où l’on rassemble les données des différents sujets pendant plusieurs années) seraient intéressantes. Mais le suivi s’est effectué seulement sur une année, faute de ressources financières, malgré une bourse accordée par la fondation Cœur et Recherche.
Les récidives de la SCAD selon les études de groupe
En majorité, la SCAD ne survient qu’une seule fois. L’étude DISCO a montré un taux de récidive à 1 an, de 3.3 %. Ce qui signifie que dans 97 % des cas, il n’y a pas de récidive. Les études nord-américaines montrent un taux de récidive de 6 % à 2 ans et d’environ 10 % à 3 ans. Mais cela ne veut pas forcément dire que le taux continue à augmenter avec les années.
Il est impossible de prédire le risque de récidive pour une personne individuelle. Les études sont sur des données de groupe. On pense que cela pourrait être lié par exemple aux conditions de vie ou au traitement, mais il faudra des recherches plus approfondies.
Quand il y a récidive, l’étude DISCO a montré qu’en général une autre artère est atteinte que celle touchée initialement.
Une fois que l’épisode aigüe de la SCAD est passé, le pronostic est excellent. L’épisode de la SCAD est grave quand plusieurs artères sont touchées et/ou quand une artère principale est touchée. Une SCAD « simple » touche une petite partie du cœur.
Il est à noter que lors de l’étude DISCO, il n’y a eu aucun décès. Par contre, sur les personnes qui décèdent par « mort subite », on ne connait pas le pourcentage des SCADs.
Après la SCAD : une activité physique et une alimentation équilibrée
Les premiers 4-6 semaines après une SCAD, il est recommandé de ne pas faire d’effort physique fort afin que la cicatrisation du cœur puisse s’effectuer. Ensuite il n’y pas de précautions particulières à prendre (sport ou alimentation) : il faut être raisonnable et manger de manière saine (NdlR: voir p.e. ce lien de la FFC). Par contre, il ne faut pas faire d’effort intense sur une courte durée, de type activité à glotte fermée (haltérophilie par exemple). Le problème n’est pas la fréquence cardiaque, mais les pics de tensions brutaux. Les hommes plutôt que les femmes ont rapporté qu’un gros effort physique a pu déclencher leur SCAD.
1 an après la SCAD, la prévention est la même que pour tout le monde : activité physique et alimentation équilibrée.
Comme les facteurs psychologiques peuvent parfois déclencher une SCAD (notamment chez les femmes, il est important de faire une activité physique. Car avec une activité physique on peut réduire le stress et l’hypertension. C’est important car une hypertension un peu élevée est associée à un risque de SCAD.
La DFM : Dysplasie Fibro-Musculaire
Environ 50% des victimes d’une SCAD présentent également de la DFM. Dans le cas de présence de la Dysplasie Fibro-Musculaire, il n’y a pas d’informations scientifiques supplémentaires. Il n’y a pas de restrictions supplémentaires, mais il faut rester raisonnable. Les pronostics et les risques sont les mêmes qu’il y ait une présence de la DFM ou pas.
Génétique
Certains gènes sont communs entre la SCAD et la DFM et les mécanismes engendrant une atteinte des cellules de la paroi musculaire artérielle sont communs. Tout de même, il s’agît de deux maladies distinctes. Il y a un lien avec le collagène, une substance qui est important pour le maintien des artères. Dans le cas de déficiences à ce niveau-là, cela peut produire dans les artères des :
- sténoses (rétrécissements)
- anévrismes (dilatations)
- dissections (ruptures)
Même si la SCAD est liée à la génétique, ce n’est pas une maladie qui est fatalement transmissible : il s’agît d’une combinaison de gènes (elle est polygénique) et d’autres facteurs, tels le stress, ou la pression sur la paroi des artères s’avèrent être des révélateurs du risque génétique. Donc, les facteurs génétiques ne sont pas les seuls responsables de la SCAD, de la même façon que dans le cas du diabète de type 2.
La SCAD et les hormones féminines
Les chercheurs soupçonnent qu’il y a des liens entre la SCAD et les hormones féminines ou la fluctuation des hormones (par exemple il y a une grande fluctuation après l’accouchement). Mais cela n’a pas encore été prouvé pour l’instant. Lors de l’accouchement, il y a un autre facteur qui peut être déclencheur : les artères subissent des grosses tensions artérielles. Il est à noter que les cas les plus graves de la SCAD s’observent dans les cas de SCAD péri-partum. Ces P-SCAD représentent moins de 10 % des SCAD.
Des études génétiques ont également trouvé des gènes communs entre la SCAD (ou des spasmes coronaires), et la migraine. Mais on ne comprend pas encore les mécanismes d’action.
Pour l’instant, on n’a pas étudié le lien entre la SCAD et l’endométriose. Dans le cas de présence d’endométriose, les patientes doivent avoir un suivi cardiologique : on a établi des liens entre l’endométriose, l’hypertension, le diabète, l’AVC et l’infarctus.
Traitements
Il y a beaucoup moins d’études sur l’impact des différentes molécules utilisées pour les traitements pour la SCAD, que dans le cas des infarctus « classiques », liés aux plaques d’athéromes.
Cependant, à court terme, c’est-à-dire pendant la 1ère année après la SCAD, l’aspirine à petite dose est indispensable ainsi que les bêtabloquants. Les patients prennent de l’aspirine pour empêcher la formation d’amas de globules rouges ou de plaquettes. Les bêtabloquants ralentissent la fréquence cardiaque et ont un effet bénéfique sur le stress des parois.
Après un an, on peut voir si le maintien de la prise d’aspirine est encore utile, notamment en cas d’hémorragies. La prise de bêtabloquant semble intéressante car cela baisse le risque de récidive. Mais quand il y a des grosses baisses de tension ou un phénomène de Raynaud, il faudrait concerter le cardiologue pour discuter des pours et des contres d’une prise de bêtabloquant.
Généralement les cardiologues prescrivent des statines en début de prise en charge, mais il y a peu de données. Cependant, les statines ne semblent pas nécessaires dans le cas où le taux de cholestérol est normal.
Par rapport à la contraception et le traitement de la ménopause, les patientes ne doivent pas prendre de traitement à base d’œstrogènes.
Dans le cas de migraine, il ne faut pas prendre des triptans. La prise de ces substances augmente le risque de la SCAD. IOn peut prendre un antalgique tel que le paracétamol. Généralement, il ne faut pas prendre des AINS (Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens) tels que Advil, Ibuprofène dans le cas d’une pathologie cardiaque. Mais si la dose d’aspirine est très légère (ce qui est le cas de la plupart des patients ayant eu une SCAD), on peut prendre un AINS, si la prise est brève (pas plus de 2 jours).